Construction d'un centre Mijaky

à Madagascar 

 

                                                                     Delphine Cabanis, CBNB

                                                                                        Bull. 125 Janvier 2021

Avec l'appui de l'Arche aux plantes, le CBNB et son partenaire malgache SAGE (ONG gestionnaire de l'aire protégée) ont lancé la construction en 2020 d'un centre Mikajy dans la Nouvelle Aire Protégée Ambohitr'Antsingy Montagne des Français (NAP AA MdF).

 

Mikajy signifie en malgache "s'occuper de ". C'est dans l'optique de prendre soin et de protéger la biodiversité de la NAP que ce centre a été pensé et développé avec les communautés villageoises. Son principal objectif est la valorisation éco touristique et environnementale de ses richesses botaniques et floristiques. Il a pour fonction d’accueillir du grand public (touristes, locaux, écoliers malgaches) au sein d’un espace d'échanges et de repos.  Grâce à une muséographie simple il apportera une sensibilisation à l'importance de conserver et protéger les ressources de la forêt. Il expliquera le travail mené avec les communautés villageoises par l'ensemble des intervenants, pour optimiser la conservation des espèces et mener des actions de restauration forestières. Ce centre aura aussi à l'avenir une mission scientifique avec l'accueil d'équipes de naturalistes. Les suivis de chantier ont été mené par Alban Anonjara, le consultant du CBNB sur Diégo-Suarez, ainsi que par l'équipe technique du SAGE.

Ce centre Mikajy se compose d'un bâtiment d'accueil, de sanitaires et d'un espace de repos. L'accueil de 15m² permettra la mise en place de photos et de panneaux explicatifs sur la richesse de l'aire protégée, ses menaces et sa conservation. A terme, les femmes des villages alentours pourrons y vendre un peu d'artisanat (paniers, nattes, bijoux), des légumes, des fruits et du miel pendant que les hommes seront formés pour guider les touristes dans la forêt.

Bâtiment d'accueil                                                                    Centre sanitaire

Le bloc sanitaire comprend 2 wc et une citerne de stockage d'eau de pluie. L'espace de repos est composé d'une table circulaire installée autour du tronc d'un grand manguier, 4 bancs viennent compléter l'espace. Le choix du béton n'est pas anodin car malgré l'impact écologique et visuel de cette matière, c'est la seule suffisamment solide pour éviter les dégradations et le vol de matériaux.

L'ensemble est construit à l'entrée de l'aire protégée, près d'une rivière, à l'ombre. Un jardin de plantes médicinales malgaches sera planté cet hiver avec des étiquettes stipulant le nom et l'utilisation pour chaque plante. C'est l'association "Jardins du monde" qui épaulera le CBNB et le SAGE pour cette mise en place ainsi que pour la formation des villageois volontaires à l'utilisation de ces plantes médicinales.

 

Centre de repos
Centre de repos

Dans les années à venir, Mikajy est destiné a être un point focal dans l'intégration des communautés villageoises dans la protection de la biodiversité de l'aire protégée. En étant un lieu de formation et d'échanges de savoirs, il permettra de développer des ateliers pour mettre en place des activités génératrices de revenus (AGR), de lancer des expérimentations en agro écologie ou permaculture, ou bien encore de former des villageois à l'apiculture ou par exemple, au développement de semences légumières.

 

Outre l'Arche aux plantes, le centre Mikajy a également bénéficié d'un financement de la marque Yves Rocher, ainsi que du Département du Finistère.

Vue sur la baie de Diego-Suarez et son pain de sucre Nosy
Vue sur la baie de Diego-Suarez et son pain de sucre Nosy

 

Zoom sur la Nouvelle Aire Protégée Ambohitr'Antsingy Montagne des Français

 

D’une surface de 6 049 hectares, elle est recouverte par une forêt dense sèche caducifoliée et présente une variété de paysages différents comme des grottes, des cascades et des tsingy favorisés par de nombreux escarpements rocheux. Trois types d’habitats sont référencés : la forêt dense sèche semi caducifoliée, la forêt galerie (ou forêt subhumide) et les tsingy.

Selon l’inventaire floristique de plantes ligneuses du Missouri Botanical Garden (MBG) effectué en 2017, la NAP compte 464 espèces différentes, dont 349 sont endémiques au pays (soit 76.7%) et 13 espèces endémiques  locales (connues uniquement sur le site de la NAP AA-MdF), soit 2.9%. Le paysage est fortement marqué par la présence du Baobab de Suarez (Adansonia suarezensis) classé en danger d’extinction par l’UICN à cause entre autres raisons, de la culture sur brulis. 9 espèces végétales sont classées en danger critique d’extinction (Begonia antsiranensis…), 34 espèces en danger (Pachypodium decaryi…) et 31 espèces sont vulnérables (Coffea tsirananae…).

Les inventaires faunistiques mettent en avant la présence de lémuriens tels l’emblématique Aye-aye  (Daubentaunia madagascariensis) classé vulnérable, le Lépilémur septentrional (Lepilemur septentrionalis) classé en danger critique d’extinction ou le Microcèbe roux (Microcebus tavaratra) classé vulnérable, mais aussi la présence de Mantella viridis, un amphibien classé en danger, de nombreux Gekkonidae et d'oiseaux, dont bon nombre sont endémiques régionaux.

Adamsonia suarezensis émergeant de la forêt et leurs fruits.

Les caméléons étaient réputés porter malheur à ceux qui en croisaient un, à moins de le tuer pour annuler le mauvais œil. Aujourd'hui, ces croyances sont de moins en moins répandues.

Brookesia exarmata
Brookesia exarmata

L’aire protégée est soumise à de fortes pressions anthropiques, souvent à cause de  sa proximité avec la ville de Diégo-Suarez. En premier on citera la fabrication de charbon de bois A suivre, la culture sur brulis qui détruit les habitats, menace la régénération naturelle des espèces et favorise la venue d'espèces exotiques envahissantes (EEE). Ces dernières sont ici principalement représentées par Lantana camara  qui recouvre environ 6.5% de l’aire protégée. Pour finir, citons la divagation du bétail. La population de zébus est estimée à 2 800 têtes et leur présence dans le noyau dur compromet la croissance des plantes et leur régénération.

                        Begonia bernieri photographié en 2019, n'avait pas été revu depuis 1836.

             La Vallée des Perroquets