Visite à la collection nationale de bouleaux, le 30 juin 2018

 

Albert Le Stum, texte et photos.

Bull 117  Jan.19

 

 

Nichée à proximité de la vallée de Troerin à Plouvorn et jouxtant la chapelle du XV ème siècle au lieu-dit Lambader, la collection nationale de Bouleaux (Betula) croît depuis 1999. Il y a 20 ans, je fis l’acquisition d’un terrain en friche de 3000 m2 pour y planter des bouleaux. Cette jachère avec un hangar agricole de 400m2 fit l’objet de démolition, quant à la partie inculte, elle fut débroussaillée et aménagée en aire géographique pour les premières plantations. C’est donc au printemps 1999 que les premières cultures s’opérèrent et depuis elles ne se sont jamais arrêtées. Aujourd’hui, l’introduction de nouvelles espèces est continue. Certaines espèces se développent avec difficultés, les intempéries liées à la douceur océanique tempérée, légendaire du climat breton, ou aux gelées tardives, freinent l’obtention de taxons nordiques au climat polaire, ou de taxons au climat subtropical. Aujourd’hui l’attrait pour les bouleaux demeure dans la rareté de certaines espèces, je suis toujours à la recherche de nouvelles plantes notamment celles en provenance de Chine. Avant d’aborder les espèces de bouleaux, regardons ensemble comment la collection nationale s’est établie à Plouvorn.

 

                            Fig. 1 Vue de la collection nationale, Lambader, Plouvorn, France

 

 Passionné par les arbres en général, c’est en 1987 que l’aventure débute suite à ma rencontre avec Jean-Yves Lesouef, expert et féru de botanique, sauveur de plantes menacées sur Terre. Il était Conservateur du Conservatoire Botanique National de Brest lorsque nous nous sommes rencontrés à l’occasion d’un comité technique. En effet, nous avions fait appel à son expertise pour nous conseiller sur l’aménagement d’un projet de parc et d’arboretum sur la commune de Dirinon. Mes activités professionnelles, liées au secteur médico-social, étant à proximité de ce projet de développement forestier, me permettaient de participer à ce travail. En tant qu’éducateur technique spécialisé, j’élaborais l’organisation mensuelle des réunions de travail auxquelles prenaient part quelques responsables et professionnels du paysage du département du Finistère. Quand l’arboretum de Dirinon fut créé, les premières plantations, représentatives des cinq continents, commencèrent en 1988 et les bouleaux suivirent.

C’est à nouveau Jean-Yves Lesouef, qui, lors de ces réunions mensuelles, proposa de développer une collection de bouleaux. La topographie des lieux, en forme d’entonnoir, se prêtait particulièrement bien aux exigences de certaines espèces d’arbres notamment les bouleaux. La présence de zones humides et exondées serait favorable au développement d’espèces septentrionales et occidentales. Nous étions d’accord sur le principe, l’aventure commença ainsi. Il ajouta que personne en France ne collectionnait ces espèces d’arbres et qu’il serait possible de la faire croitre sur l’arboretum. Les choses étant dites, je me lançais dans cette nouvelle expérience avec beaucoup de passion.

 

                                             Fig. 2. Betula chichibuensis                              

                               Fig. 3. Ecorce de Betula utilis ssp. albosinensis

Toujours avec l’aide du Conservatoire Botanique de Brest, j’étudiais ou plutôt je lisais avec avidité tous les ouvrages de flores évoquant les Betula, particulièrement celles d’Amérique du Nord, de Russie, de Chine, du Japon, sans oublier la flore européenne. Après la lecture de ces documents, je répertoriais près de 130 à 150 espèces de bouleaux. Puis je me mis en route pour découvrir et étudier la biologie de ces plantes. De plus, Jean Yves Lesouef me facilita la tâche en établissant la listes des plantes menacées ou en danger dans les flores consultées. Ayant à ma disposition les adresses d’arboretums internationaux et plus spécialement les collections de Betula, je déployais toute mon énergie pour obtenir graines, cutting et taxons. En premier lieu, c’est l’arboretum de Novy Dvur en Tchéquie (à l’époque la Tchécoslovaquie) qui non seulement me répondit mais m’envoya 4 taxons ; 2 de Betula ermanii et 2 de Betula celtiberica puis d’autres arboretums suivirent avec des graines. Malheureusement les deux derniers taxons ne restèrent en vie que quelques mois puis desséchèrent rapidement, l’affaire n’était pas gagnée.

 

En 1990, je plantais les premiers arbres sur une partie des 8 hectares de l’arboretum, le bouleau d’Erman (Betula ermanii) et le bouleau de l’Himalaya à écorce blanche (Betula utilis ssp. Jacquemontii), puis suivront d’autres espèces pour un total de 50 plantes environ. L’étude des Betula pouvait commencer.

 

En 1993, je décide de traverser la manche et de rencontrer dans le Devon le spécialiste des bouleaux anglais. Il va élargir et transformer le point de vue que j’avais sur ces arbres et ainsi faciliter le développement de la collection. Depuis de nombreuses années, il collectionnait les aulnes et les bouleaux du monde entier et d’ailleurs il obtint en 1995 le titre de collection nationale anglaise pour ces arbres. Ce prix lui fut remis par le Conseil National pour la conservation des plantes et des jardins (National Council for the Conservation of Plants and Gardens, NCCPG), aujourd’hui appelé Plant Héritage. Kenneth Ashburner deviendra au fil des années un très bon ami et se déplacera dans le Finistère pour découvrir et alimenter, en nouvelles espèces, la collection. Il visitera la collection nationale de Plouvorn en 2000. Malheureusement, il décèdera en 2010. Par la suite un quinzaine d’espèces de bouleaux seront implantés sur le site de l’arboretum de Dirinon.

 

De même, en 1995, le président de l’association gestionnaire du parc de Dirinon décède, l’espace arboré ne sera plus géré de la même manière et la frilosité des communes environnantes pour poursuivre le projet se fait sentir. Dans le même temps, domicilié sur la commune de Plouvorn, je recherche un espace pour de nouvelles plantations. En 1998, j’acquiers un terrain de 3000 m2 et commence la plantation de bouleaux. En 1999, je possède 15 espèces principalement d’Europe et des Etats Unis. Aujourd’hui la collection compte environ 200 arbres dont 37 espèces, 7 sous espèces, 5 variétés et 1 forme. Le comité des collections végétales spécialisées (CCVS) reconnait la collection en 2007.

 

Les bouleaux (Betula ssp.) en culture : Lorsque l’on évoque le bouleau, nous pensons rapidement à cet arbre à l’écorce blanche, aux rameaux légers et pendants, d’ailleurs, dans bien des jardins d’agrément ils trouvent une place de choix en cépée ou en isolé. C’est un arbre familier et facilement reconnaissable. Il a besoin de lumière pour se développer, du moins durant ses premières années de vie, ensuite il s’accommode de la place qu’on lui confère. Commun en Bretagne, le bouleau aux rameaux pendants (Betula pendula) et le bouleau pubescent (Betula pubescens) se développent dans nos bois et haies bocagères ainsi que dans les vallées humides. Une autre espèce le bouleau nain (Betula nana) croit dans les zones montagneuses françaises au climat rude uniquement dans le massif du Jura et dans le massif central. Ce petit arbrisseau arctique demeure dans des dépressions ou combes, il est présent depuis les dernières glaciations. Historiquement, sur l’échelle de l’évolution, les bouleaux sont assez récents. Ils sont apparus au Crétacé supérieur c’est-à-dire il y a environ 65 millions d’années. A partir du milieu du Paléogène, 50 millions d’années, leur présence est effective, des fossiles de feuilles de Betula trouvés l’attestent, ils datent de l’époque Eocène (Betula leopoldae). Peut-être étaient-ils présents avant, puisque des pollens d’aulnes ont été retrouvés au Japon et sont datés d’environ 80 millions d’années. Ces deux espèces sont proches d’un point de vue génétique. Faisant partie des angiospermes, leur famille correspond à celle des bétulacées comme les aulnes (Alnus), les charmes (Carpinus), les noisetiers (Corylus), le charme houblon (Ostrya) et les (Ostryopsis). Les bouleaux ont souvent posé des difficultés pour mener à bien leur classification. Les bouleaux ont un fort pouvoir d’hybridation entre eux ce qui compliquent leur dénomination. Hier on comptait près d’une centaine d’espèces, maintenant les botanistes misent une cinquantaine d’espèces, voire moins, réparties uniquement dans l’hémisphère nord. Il existe de nombreux hybrides naturels, bien définis, qui peuvent être considérés comme des espèces à part entière. Dans un premier temps ce sont les études morphologiques qui ont défini le genre Betula, puis, avec la proposition de classification contemporaine (Skvortsov, 2002) nous avons pu y voir un peu plus clair. Aujourd’hui, avec les nouvelles techniques d’isolement génétique et donc l’utilisation des chromosomes (Ashburner et McAllister, 2013) le genre Betula s’est clarifié. Les bouleaux ont un génome abondant avec 14 paires de chromosomes, (n=14) est la base du nombre de chromosomes du genre, mais on trouve beaucoup d’espèces polyploïdes. La moitié des espèces sont diploïdes, par exemple Betula pendula est diploïde, c’est-à-dire que le noyau de la cellule contient un double nombre de chromosomes (2n=28) 28). Il y a des espèces tétraploïdes, Betula ermanii, Betula pubescens (2n x4 =56), hexaploide, Betula papyrifera (84) et même dodécaploïde, Betula megrelica (168). Tout un chacun comprend bien qu’identifier un bouleau n’est pas toujours simple, principalement pour les espèces à écorce blanche. Nous distinguons les bouleaux à écorce blanche comme étant contemporains dans l’évolution, d’une part, parce que les fossiles de ces espèces sont datés d’environ 10 millions d’années et d’autre part ils ont la particularité de pousser et de fructifier rapidement. Quant aux arbres à l’écorce sombre, non seulement les fossiles trouvés sont anciens, leurs fruits sont souvent érigés et demeurent sur l’arbre très longtemps sans se disséminer. Aujourd’hui les bouleaux sont classés de la manière suivante : Ils sont répartis en 4 sous genre et huit sections.

 

La classification des Bouleaux :

 

 

 

Sous genre

section

espèces

Nipponobetula

Nipponobetula

B. corylifolia

Aspera

Asperae

Sous section Asperae : B. bomiensis,

Sous section Chinenses : B. globispica,

 

Lentae

B. lenta, B. megrelica,

Acuminata

Acuminatae

B. luminifera,

Betula

Dahuricae

B. dahurica,

 

Costatae

B. costata,

 

Betula

B. pendula,

 

Apterocaryon

B. nana,

 

 

Tableau de subdivision et de section du genre Betula.

 

Les bouleaux sont donc présents uniquement dans l’hémisphère Nord, leur habitat varie selon les espèces. Certains d’entre eux se développent dans des zones subtropicales (Betula alnoides, Betula insignis), quant à d’autres, ils se situent complètement au-delà du cercle polaire et sont de petite taille (Betula nana, Betula michauxii). Morphologiquement, ils peuvent atteindre une trentaine de mètre de hauteur ou être arbustifs et même être prostrés. Il faut reconnaitre que les bouleaux adorent les régions froides et tempérées de l’hémisphère Nord, de la Scandinavie aux plaines sibériennes en passant par le nord, l’ouest et le centre de la Chine. Ils croissent également de manière vigoureuse dans la forêt boréale canadienne, et dans les forêts mixtes du nord-est américain. Ce sont des arbres monoïques, c’est-à-dire qu’ils portent sur le même arbre les fleurs mâles et les fleurs femelles. Les fleurs femelles sont sans périanthes c’est-à-dire sans enveloppes florales, calice et corolle. Les fleurs mâles se forment pendant la saison estivale de l’année précédente et ils se situent, le plus souvent, à l’extrémité des rameaux, ils libèreront leur pollen l’année suivante. Elles peuvent être groupées par 3, 4, ou 5 voire plus. Les fleurs femelles s’épanouissent en avril-mai, elles sont dressées et se situent le long des rameaux terminaux. Elles sont fécondées par les chatons mâles qui libèrent une quantité importante de pollens. Le mode de dispersion est appelé anémogame. Ce sont donc des plantes anémophiles, une manière primitive de féconder les fleurs par le vent. La fructification donne des fruits secs dits indéhiscents, en forme de petits cônes, nommés samares. Trois fruits sont présents à l’intérieur de la bractée. La samare est un akène formé d’une petite aile membraneuse, parfois très discrète sur certaines espèces. Les graines sont constituées d’une petite membrane fine qui leur permet d’être transportées par le vent et ainsi de conquérir de nouveaux territoires.

 

                      Fig. 4. Rameaux avec des fleurs femelles et mâles (B. dahurica)

                      Fig. 5. Fruits en cours de maturation (B. megrelica)

                      Fig. 6 Fruits matures (B. insignis)

Les bouleaux possèdent la capacité à coloniser des milieux difficiles, qu’ils soient humides, tourbeux, secs ou pauvres. Cet arbre est un pionnier et a développé des stratégies pour croitre dans des milieux hostiles. Certaines plantes fructifient très rapidement dès les 3 ou 4 ans après semis, poussent rapidement mais ont une vie adulte assez courte. il suffit d’une zone défrichée pour qu’apparaissent rapidement en 2/3 ans ces arbres. Ils colonisent tous les endroits où la lumière est présente, après un défrichage, dans une clairière de forêt.

 

 

Quelques espèces de bouleaux à privilégier pour un jardin

 

Le bouleau utilis (Betula utilis). Il fut découvert au centre du Népal et décrit pour la première fois par David Don en 1825. De nos jours, il est fréquemment rencontré dans les jardins, principalement Betula utilis ssp. jacquemontii et Betula utilis ssp. utilis. Ces plantes ont une écorce très décorative, cela peut aller du blanc pur aux nuances crème, rosée, saumon, cuivré et couleur chocolat. Cependant une autre espèce peu fréquente dans les jardins, Betula utilis ssp. albosinensis a, la partie superficielle du tronc d’un rouge lumineux, elle se desquame en lambeaux rosés, saumons. Ces bouleaux poussent naturellement au centre de l’Himalaya jusqu’à l’ouest de la Chine. Ils méritent de trouver une place dans nos jardins, ils peuvent atteindre une vingtaine de mètres pour la sous espèce (B.ssp. jacquemontii) mais ne dépassent rarement les 15 m pour les autres sous espèces. Les feuilles sont de forme ovale, légèrement acuminées et simplement dentées. Le nombre de paires de veines par feuilles peut être de 10 ou plus. Les rameaux comportent des glandes résineuses.

 

                                        Fig 7 Betula utilis ssp. jacquemontii (Nord de l’Inde)

       Fig. 8, 9, 10. Ecorce cuivrée de Betula utilis ssp. utilis (Népal)  et jeune pousse (ci-dessous).

 

 

 

Betula lenta, il n’est pas très commun dans les jardins. Il a une écorce foncée et croit à l’Est des Etats-Unis, d’une ligne de l’état du Maine au Nord de la Géorgie. Décrit en 1753 par Carl Von Linné, cet arbre qui peut atteindre plus de 20 m de haut est également appelé le bouleau merisier ou le bouleau sucré. En effet, son écorce et ses rameaux contiennent une huile, l’huile de wintergreen ou de méthyle salicylate qui a des propriétés anti inflammatoires. Les rameaux sont marrons et cassants. La couleur du feuillage à l’automne est d’un jaune d’or extraordinaire. Les nervures des feuilles sont importantes : plus de 10 voire 12 ou même 14.

 

                                        Fig 10, 11 : Betula lenta  : couleur automnale et tronc

 

 

D’autres espèces de bouleaux trouveraient leur place dans nos jardins comme, Betula costata, Betula grossa, Betula alleghaniensis, Betula ermanii, Betula medwedewii et Betula maximowicziana. Ils ont un attrait commun : celui d’avoir soit une écorce originale ou d’avoir une couleur automnale remarquable.

 

Fig 12 13 14  Betula alleghaniensis,     B. maximowicziana,                B. medwediewii

 

 

 

Pour conclure, il faudrait bien plus de pages pour évoquer l’ensemble du genre Betula, nous n’avons pas abordé les espèces de petite taille et beaucoup d’espèces russes et chinoises. Les espèces citées ont des atouts esthétiques indéniables. Il me paraissait essentiel d’aborder ici plutôt des plantes utilisables dans nos jardins d’agrément que les taxons ayant un intérêt botanique.