Rafflesia, un genre végétal emblématique à conserver
Stéphane Buord & Sarah Cardinal
Rafflesia patma en culture à Bogor
La Rafflésie, plante emblématique du Sud-Est asiatique, est connue pour détenir le record de la plus grande fleur au monde avec Rafflesia arnoldii. Diverses espèces de Rafflésie sont aujourd’hui menacées par la destruction de leur habitat d’origine.
La biologie singulière de cette plante parasite et réputée incultivable a jusqu’ici freiné toutes les actions entreprises pour sa conservation. Un projet soutenu par l'Arche aux Plantes, mené depuis la fin de l’année 2013 par le Conservatoire Botanique National de Brest et le Jardin Botanique de Bogor (Indonésie), propose une approche conservatoire et méthodologique originale qui devra permettre la préservation de ce genre spectaculaire et symbolique. Prévu sur trois ans, il portera sur la mise au point de protocoles de multiplication pour la conservation ex-situ de Rafflesia patma, la valorisation des savoirs sur la biologie, la culture de cette plante et, à plus long terme, la réhabilitation de cette espèce en milieu naturel.
Une biologie extraordinaire
Le genre Rafflesia regroupe environ 33 espèces dont certaines n’ont été vues qu’une seule fois, lors de leur découverte. Ce genre holoparasite (dépendant uniquement de son hôte pour l’eau et les nutriments), présent principalement dans le Sud-Est asiatique, vampirise uniquement certaines lianes de la même famille que la vigne, appartenant au genre Tetrastigma. Ce parasite ne possède ni feuille ni racine. Il vit dans les racines et les tiges de son hôte en développant une sorte de mycélium (bien que ne soit pas un champignon !) et sa fleur seule émerge de l’intérieur de la liane. La taille des fleurs de nombre de Rafflesia surpasse celles de toutes les autres fleurs, atteignant jusqu’à 1m de diamètre pour R. arnoldi. L’odeur fétide émise par la fleur attire les mouches qui semblent être le pollinisateur principal des Rafflésies. Un grand mystère entoure encore son mode de diffusion par graines et la manière dont elles parasitent les lianes.
Aujourd’hui, la plupart des espèces de Rafflesia est menacée par l’altération de l’habitat de leur hôte due aux activités humaines (destruction des forêts, mise en place des cultures de palmes…).
Notre partenaire : le Jardin Botanique de Bogor
Fondé en 1817, ce jardin, qui est l’un des plus vieux d’Asie, est avant tout un centre de promotion de l’agriculture et de l’horticulture mais depuis de nombreuses
années, il s’oriente vers la mise en valeur d’espèces indonésiennes telles que l’Arum titan ou Rafflesia patma. Aujourd’hui les touristes de passage,
comme les citadins, peuvent se promener dans un jardin d’environ 87 ha pour voir de leurs propres yeux le plus grand rassemblement d'essences d'arbres rares et de plantes tropicales jamais
réalisé, environ 15 000.
Au jardin de Bogor, l’équipe de Sofie Mursidawati travaille sur l’espèce R. patma depuis plusieurs années et est
parvenue à un résultat très encourageant concernant la mise au point d’un protocole de multiplication tout à fait original et encore tenu secret. Néanmoins il est désormais possible d’inoculer le
parasite dans une liane hôte et de permettre ainsi sa culture en jardin botanique ! Ce parasite exclusif étant très compliqué à multiplier, il s’agit d’une première dans le monde de la
botanique. Le savoir accumulé par ce jardin est à préserver et à valoriser de manière impérative. Une aide à la publication leur sera utile. De plus, le jardin de Bogor ne possède pas les
infrastructures nécessaires à la conservation des graines de Rafflesia et ne dispose d’aucun moyen pour tester leur viabilité.
Le Jardin de Bogor : panneau de présentation des Rafflesia.
Notre projet
Le but de ce partenariat entre le Conservatoire Botanique National de Brest et le Jardin Botanique de Bogor consiste à maitriser les méthodes et techniques de conservation ex-situ qui permettraient sur le long terme, des actions de réintroduction et de renforcement des populations en nature
Cette coopération se traduit par l’envoi de graines pour leur conservation à long terme et la mise au point de tests de viabilité à Brest, par un apport de compétences de la part du Conservatoire pour la valorisation des connaissances de Bogor ainsi que la réalisation d’actions opérationnelles afin de conserver cette espèce sur le terrain. Les premiers tests permettront de généraliser ces connaissances au genre tout entier.
Et aujourd’hui…
Suite à une mission organisée en juin dernier au Jardin Botanique National de Bogor, les différents points du projet ont été précisés ainsi que les rôles des deux acteurs.
Bourgeon de Rafflesia
Bourgeon sur la liane plante-hôte
Sarah Cardinal du Conservatoire a pu observer différents pieds de lianes sains, implantés dans le jardin, auxquels Sofie a inoculé le parasite il y a quelques mois. Et surprise ! Certaines Rafflesia étaient déjà en pleine floraison ! La méthode semble donc bien rodée même si l'accès aux stations naturelles semble assez difficile et l'avenir de ces recherches assez précaires. Le jardin lui-même a souffert récemment du passage d'un typhon qui a endommagé la collection et quelques Tetrastigma utilisés pour les essais.
Grâce à la bienveillance de Sofi, Sarah a eu accès aux multiples essais et aux secrets de la culture de cette plante extraordinaire. Des perfectionnements restent à trouver mais le Jardin de Bogor mise sur cette exclusivité et expose déjà des fleurs de Rafflesia dans son droguier et divers fac-similés pour le plus grand plaisir du public et des scolaires.
Droguier : mélange d'eau et d'alcool qui conserve les fleurs
Aujourd'hui, la première préoccupation des indonésiens est de publier leurs travaux pour rendre incontestable la paternité de leur découverte. Une revue a été identifiée afin de publier les travaux de l’équipe de Bogor. Avec le soutien du Conservatoire, une proposition d’article scientifique pour le journal Sibbaldia sera prête avant mars 2015.
Suite à ce passage en Indonésie, des échanges ont aussi eu lieu avec l’Université de Bretagne Occidentale qui pourrait devenir un collaborateur indispensable pour les travaux de recherches sur la biologie, la conservation ex situ et la viabilité des graines de Rafflesia sur Brest. Cette conservation à long terme des semences est aujourd'hui réputée impossible.
Une mission reste à prévoir en 2015 afin de poursuivre ces échanges de graines avec le Conservatoire de Brest, les travaux de multiplication de la plante à Bogor et ainsi permettre une systématisation des méthodes de culture. Il faut espérer qu'une fois mis au point, ce protocole permettra de systématiser l'opération, de diffuser Rafflesia en jardins botaniques et de contribuer à sa conservation.
Pour cela, nous savons que nous pouvons compter sur le soutien de l'Arche aux Plantes. Alors à quand une floraison de Rafflesia dans les serres du Conservatoire ?
Sofie devant les bourgeons de Rafflesia
Toutes les photos sont de Sarah Cardinal.
Stéphane Buord est le directeur scientifique des actions internationales au Conservatoire de Brest,
Sarah Cardinal a été missionnée à Bogor pour le Conservatoire botanique de Brest.